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C'est pourquoi le chroniqueur, amateur de funk flexible, a enfilé sa tenue de musicologue mycologue et a attrapé sa plume pour commenter le groove fongique
et doucement hallucinatoire du groupe Fungi.
Ce très bel EP, sorti sur le label Jazztronicz, devait sortir avec une belle soirée de lancement au New-Morning en avril. Mais, mesures sanitaires obligent, les festivités ont été annulées. Soyons confiants, le mycélium reste bien au chaud sous la terre et les champignons finirons par ressortir quand la saison leur sera plus propice. En attendant, on écoute le disque en regardant la pochette.
Car avant de parler aux oreilles Tendre jeudi se déguste avec les yeux. Le visuel est magnifique. Complètement adapté, il affirme l'ambiance conceptuelle qui se dégage du projet. Suspendue dans un ciel bleu et rouge, une cascade dégouline depuis les pétales d'une sorte de fleur stylisée qui pourrait aussi bien être un muscle cardiaque qu'un sexe féminin. Intrigant. Qui sont ces gens qui font léviter des vulves ?
On va pas s'mentir, chez FunkyFlex, on connaissait déjà plus de la moitié de cette équipe ni animale, ni végétale.
En d'autres temps, Tanguy Jouanjan (Trompette) et Thibaud Merle (saxophone, flute) faisaient vibrer le laiton pour le groupe funky parisien Solyl'S, avant que Corentin Pujol ne les rejoigne pour caresser ses claviers sur le dernier enregistrement du groupe et les derniers tours de scènes majestueux.
Avec cet EP, on découvre Benjamin Paul (aka Monomite) à la basse, au moog, à la guitare et aux claviers, ainsi que Clément Cliquet à la batterie.
Mais revenons à nos mycètes : Tendre Jeudi. Un intitulé plein de poésie qui rappelle les titres décalées qu'un certain jazz funk français des années 1970 savait inventer (Cortex et son "Troupeau Bleu" ou encore Godchild avec "Chut bébé dort", pour ne citer qu'eux). Fungi dépeint sont Tendre Jeudi en deux parties. Coquet. La trompette s'installe sur la boucle en évitant les pièges de la batterie. La flute peut alors prendre son envol. Thibaud, merle souffleur, déploie les ailes de sa traversière et emporte avec lui le groove général. Avec sa basse lourde et sa trompette bouchée, la seconde partie étire les codes du groove hip-hop, smooth et instrumental, qui égayait les amateurs de jazz en mal de renouveau dans les années 1990. Mais dans un univers musical sur lequel le rap règne, le boom bap jazzy ne fait plus figure d'ovni et se passe même de MC pour avoir la classe.
Sur la seconde face, on s'attarde sur le morceau intitulé Amok, qui dénote . À la simple lecture du titre, on pourrait penser cuisine cambodgienne, cuisson douce à l'étouffée dans une feuille de banane. Mais à l'écoute, on s'oriente plutôt vers la décompensation et la folie meurtrière. Autre définition de l'amok, dans le domaine psychiatrique cette fois. La batterie sèche, la basse violente et la trompette enragée : cette musique fait bouillir l'âme, pas les aliments.
Cette violence relative méritait bien un interlude avant l'écoute du dernier titre. Le seul chanté. Comme un retour à la voie humaine, à la civilisation. C'est la redescente...
Comme on peut l'imaginer, les temps sont durs pour la musique live et Fungi n'a pas de dates programmées pour le moment. Mais on a de la chance dans notre malheur car le musicien privé de scène a tendance à enregistrer des disques et on nous annonce un second EP sur le feu. Hâte.
L'EP "Tendre Jeudi" est disponible en vinyl et numérique sur la page Bancamp de Fungi
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