Wolfgang Valbrun : Du Marvellous à l'Ephemerals (Interview)

FunkyFlex Records a rencontré Wolfgang Valbrun, un jeune chanteur américain d’origine haïtienne, installé en France depuis l’âge de 14 ans. En vrai, on se connaissait déjà un peu. Alors on s’est retrouvés autour d’un verre et on a parlé de plein de choses : du groupe londonien Ephemerals avec lequel il chante ; de l’album qu’ils ont enregistré ; on a parlé aussi de la scène funk française et de ses problématiques ; et pour finir, on a quand même parlé un peu de Wolfgang…
C’était chouette, alors on partage avec vous.

Wolfgang Valbrun au centre avec Ephemerals


Pour ceux qui ne connaîtraient pas le groupe Ephemerals, vous pouvez lire la chronique de leur album par ici--> ici

Funkyflex Records: Wolfgang, on se connait. On s’est croisé dans quelques concerts funky parisiens. On t’a découvert avec le groupe parisien Marvellous, en featuring avec Solyl-S, dans des Tributes to James Brown. Aujourd’hui, on te retrouve sur Nova avec le groupe Ephemerals. On dirait que les choses évoluent dans le bon sens. Ce qui m’amène à la première question :
Comment ça va la petite carrière ?

Wolfgang Valbrun : Doucement, mais surement. Pour quelqu’un qui n’espérait pas forcement vivre de la musique, c’est bien. Après, pour quelqu’un qui a besoin de payer son loyer, ça marche moins bien [rires].
Je survis grâce à la musique. Disons que c’est le seul truc qui me fait tenir. J’essaie de créer quelque chose. Je voulais être médecin à la base. Puis c’est devenu infirmier. Maintenant, je fais de la musique. Je n’en vis pas encore. Espérons qu’avec beaucoup de travail, ça va avancer.

FKR : Comment t’es-tu retrouvé chanteur du groupe Ephemerals ?

WV : Avec Marvellous, on a fait la première partie de Hannah Williams & The Tastemakers. Un groupe terrible, avec une chanteuse qui envoie du lourd. A l’époque, le guitariste (Nicolas Hillman Mondegreen) voulait faire autre chose, voir d’autres horizons. Alors, il m’a dit : "il faut qu’on se capte, qu’on fasse de la musique". Il faut savoir qu’il m’avait présenté ça en disant : "on fait un album ensemble !". Je n’y croyais pas du tout à ce moment-là [rires]. Puis il m’a envoyé des mails avec des mélodies et des paroles. Je ne voyais pas encore la grandeur du projet.



Quelques temps après, il m’a dit : "t’as acheté tes billets ? Tu vas venir deux semaines à Londres et on va prendre trois jours pour enregistrer un album". Je n’y croyais encore pas vraiment et je suis donc arrivé comme une fleur, sans avoir appris les textes.

FKR : Comment l’album d’Ephemerals a-t-il été enregistré ? Qui a composé ? Comment avez-vous travaillé ?

WV : Les musiciens se connaissaient déjà plus ou moins mais n’avaient pas vraiment joué ensemble. Sauf le batteur, le bassiste et le guitariste qui venait du groupe Hannah Williams & The Tastemakers.
Nick, le guitariste (Nicolas Hillman Mondegreen, tête pensante du projet ndlr), est arrivé avec ses compos et ses paroles. Certains morceaux étaient déjà écrits. Mais il avait surtout des grilles et des idées. On a bossé quelques jours le chant dans son salon et on a fait une répète sans les cuivres et le bassiste. Puis on est entré en studio et on a enregistré l’album, en condition live, en trois jours.

Pour l’enregistrement, Nick avait des grilles et des idées. Mais aucune partie n’était réellement écrite. Chacun a pris possession de sa partie. Ce qui est génial avec Nick, c’est qu’il sait ce qu’il veut. Il a la tête sur les épaules. Il savait où il voulait aller mais jamais en le disant vraiment. Il réorientait de temps en temps quand il voulait autre chose mais il laissait toujours beaucoup de liberté. Après les trois jours d’enregistrement, Nick a fait les cordes et les voix en deux jours. Du coup, le disque sonne brute et travaillé à la fois.
C’est à l’image de cette musique qui veut qu’il n’y ait pas de discussion. En studio, c’est la personne qui a écrit qui dirige. Toi, tu fais. Dans certains projets, trop de discussions amènent au conflit et à l’inactivité. On se retrouve plus à parler qu’à travailler. C’est dangereux.



FKR : Ephemerals est diffusé en radio, vous avez fait les Nuits zébrés de Nova : des étapes essentielles dans la popularisation d’un groupe. Comment fait-on aujourd’hui pour sortir un projet de l’anonymat ?

WV : Il faut oser ! Produire énormément. De la quantité et de la qualité !
Pour Ephemerals, Nick avait mis l’album à télécharger gratuitement sur Internet. C’est comme ça que le label Jalapeno Records nous a découvert. Ils sont tombés dessus et nous ont fait confiance très rapidement. Par ailleurs, j’avais commencé à distribuer le projet à des potes dont je savais qu’ils avaient des entrées à Nova. Et le label a pris le relais de son côté.

FKR : Avec tes différents projets, as-tu déjà été confronté à la problématique label / tourneur, qui veut que les labels signent des artistes tournés et que les tourneurs cherchent des artistes signés ?

WV : C’est le serpent qui se mord la queue !
J’y ai été confronté avec Marvellous.
Le gros problème en France, si tu veux faire de l’art en général, tu dois connaître quelqu’un. Si t’as pas de connaissances dans le milieu, c’est très dur. Tu te retrouves plus à courir après les contacts qu’à travailler au final. A l’inverse, en Angleterre, il a beaucoup plus de gens qui cherchent à faire de la musique car ils savent que les labels cherchent. Mais du coup, il finit par y avoir trop de monde. Pour revenir à la France, c’est dommage car il y a un vrai vivier de supers musiciens et d’artistes en général.



Il faudrait aussi que les salles françaises (Hein ! Les salles françaises ! [rires]) payent normalement les musiciens et qu’ils soient déclarés. Les salles devraient programmer des groupes qui ne sont pas tournés, en fonction de leur qualité et pas de leur notoriété.

FKR : J’ai entendu un ingénieur du son français qui a réussi aux Etats-Unis, dire à propos d’un groupe de funk français : "la musique et la production sont bonnes. La voix est pas mal. Mais l’accent, ce n’est pas possible. Si vous jouez de la funk / soul, une musique profondément ancrée dans la culture noire américaine, vous devez soigner votre accent"
Toi qui parle anglais couramment, penses-tu que la funk française doive calquer le plus possible ses origines américaines ? En d’autres termes, la funk française peut-elle se forger une identité ?

WV : Oui ! Elle le peut. Elle l’a déjà fait. FFF, Juan Rozof. Tu aimes ou tu n’aimes pas, mais ces mecs ont fait un truc profondément français. Et puis c’était pas mal écrit en plus. Ils osaient !

FKR : Peut-on faire de la funk en langue française ?

WV : Oui, mais il faut oser.
Aznavour a vendu le français aux Etats-Unis. Brel a vendu aux Etats-Unis. Tout est une question de qualité. Mais aujourd’hui en France, peu de gens chantent avec la même âme que ces gens-là. Tout marche quand on a une vraie implication personnelle, sentimentale, émotionnelle, spirituelle ! Faut pas se dire que la musique est un métier. La musique est un art, une passion. Ceux qui veulent en faire un métier n’ont qu’à devenir profs de musique.

Wolfgang, qui es-tu ?

 

FKR : La musique de ton enfance ?  

WV : Ma mère n’est pas une chanteuse, mais elle a toujours chanté. Mon père, je ne le connais pas vraiment. J’ai grandi dans une maison ou l’on passait beaucoup de musique. J’écoutais du compas haïtien, des choses des îles en général, du reggae. Beaucoup de rock aussi. Ma mère était fan de Clapton et de Bon Jovi ! Mais elle écoute de tout et m’a inculqué cette ouverture vers tous les genres musicaux. Par exemple, quand j’étais petit, je m’endormais avec du Aznavour.  

FKR : La première fois que tu as chanté ?

WV : C’était pour impressionner une fille. A l’époque, j’étais petit, gros et pas très sure de moi. Je lui ai chanté du Usher ! On était une bande de potes autour de cette fille et eux étaient physiquement mieux que moi. Mais moi j’ai chanté.
FKR : Ça a marché ?
WV : Non ! [rires] Mais pour la première fois, j’ai pris du plaisir à chanter. Je peux dire que mon premier souvenir de kiff musical c’est d’avoir chanté du Usher à une meuf !  

FKR : Tes influences ?  

WV : Tout ! Le premier truc que j’ai chanté avec de la hargne c’était System Of A Down. Korn, aussi. Sinon, j’adore le folk. J’ai commencé avec le RnB, le soft rock. Mes influences funk, ce ne sont pas du tout des gens qui ont le même genre de voix que moi : Marvin Gaye, Otis Redding, Al Green, Sam Cooke, Donny Hathaway. Le côté James Brown, j’adore aussi, mais je préfère Otis. Il y a autant d’énergie, mais c’est plus suave.  

FKR : Ton disque du moment ?  

WV : Un album de Seu Jorge. J’adore la musique brésilienne. Encore ce côté suave. J’adore la séduction. La vie sans séduction, c’est vide. J’aborde la musique comme la vie en général. Sans l’amour, sans l’affection, c’est inutile.

Liens :
Marvellous boutique :  http://marvellous.bandcamp.com
Ephemerals site officiel : http://www.ephemeralsmusic.com
Ephemerals sur facebook : https://www.facebook.com/ephemeralsmusic

Propos recueillis par @JeanRemyGoub

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